Ce fut un coup de foudre, dit-elle…

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Je disais à mon ami un projet fou me trottant dans la tête : j’écrirai une saga

De plusieurs centaines de pages et ça se passerait dans un salon de coiffure…

Pour contemporain, c’était contemporain, il n’y avait plus qu’à se mettre à écrire.

En attendant, il fallait vivre ce quotidien de plus en plus pesant.

Par pulsion, ma mère acheta cette concession que l’on voit sur la photo,

Ce fut un coup de foudre, dit-elle, mais nous n’en avions pas besoin en ce moment.

Le bonheur n’avait pas sa place chez nous, elle lui avait fermé la porte à double tour.

Souvent elle voulait dormir, souvent elle voulait mourir, et moi

Coute que coute, je voulais survivre dans ce milieu hostile, je coiffais mes cheveux en arrière

Comme font les garçons, bien à plat pour moins les voir, moins les montrer.

Ils sont longs et vont jusqu’aux reins, ils sont ce qu’il y a de plus beau en toi, disait-on,

Est-ce à dire que le reste ne valait rien ? À vingt-trois ans je décide de faire un break

Avec ma chevelure, je les coupe, c’est à Paris, cinq ans après avoir quitté ma mère.

Dans mon livre,  » L’amant  » j’écrivis mon ressenti de tout ça et à partir de ce moment-là,

On ne me fit plus d’éloges sur mes cheveux, ce sont mon regard intelligent

Et mon sourire à la Sagan qui plurent surtout.

Avec cette crainte permanente d’arriver toujours en retard, j’ai souvent une demi-heure

À perdre avant mon rendez-vous, et cette fois-ci, c’était devant une gare.

Alors comme n’importe qui, je me suis rendu au bar d’en face. De là,

Je pouvais voir une longue avenue bordée de platanes menant en ville,

J’y ai vu des villas bourgeoises avec de magnifiques pelouses, des arbres très bien taillés

C’était un quartier habité par des gens riches. J’étais jeune, mais l’histoire de ma vie,

De ma jeunesse et ses aléas, étaient venus détériorer ma mine qu’à cet âge-là

On est en droit d’espérer plus engageante. On disait de mon visage qu’il était plein,

Sans couleur, avec une chair molle… Ces observations indélicates avaient de quoi vous donner

La pêche pour aller de l’avant dans le dédale des embuches demandant un minimum d’entrain.

J’entretenais un certain égoïsme et avais peu d’intérêt pour les autres,

Sinon d’avoir à me défendre contre eux de leurs dispositions naturelles à faire le mal.

Mes yeux ternes allaient parfaitement avec la couleur grise de mon costume,

Ma cravate était noire et, ne vous moquez pas de moi, un mouchoir de soie violette

Sortait négligemment de la poche de mon veston.

Le silence environnant me permit de savourer cet après-midi tirant vers sa fin,

Mes pensées donnaient cours à leurs divagations, seulement je ne dois pas rester dans cet état,

Je me secoue de toutes mes rêveries et reprends mon chemin. Certains trouvent

Bizarre ma façon de marcher. En effet, ma grande taille me donne un complexe

M’obligeant à me faire plus petit que je ne suis. J’incline donc la tête en avant

Et me voute un peu, ce n’est pas très élégant, je vous l’accorde, à cela s’ajoute

Cet air toujours absorbé par une hasardeuse pensée imprévisible. Ridiculeusement,

Je me frotte les mains dès qu’à une question, une réponse m’apparait, joignant ainsi

Mon corps à la vivacité de mon esprit. Sur mon chemin, je me suis trouvé devant

Le portail d’une vaste propriété cernée d’arbres où s’érigeait un château.

Patchwork (cliquez ici)

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